Ying, mon chouchoumi, mon loulou tortillon,
Tu étais un merveilleux compagnon, drôle, coquin, câlin, toujours de bonne humeur, et si heureux de vivre. Chatons trouvés dans la rue, puis abandonnés deux fois, votre vie n’avait pas été un long fleuve tranquille puisque ta sœur et toi n’aviez pas encore 4 ans quand nous vous avons adoptés. Arrivés chez nous, vous avez découvert comme il est bon d’être aimé à chaque instant, de manger des bonnes choses. Peut-être as-tu senti, en nous voyant au refuge, que vous aviez enfin trouvé votre famille, votre famille pour la vie, et que tu as voulu m’en remercier le soir même de votre adoption en sautant sur mes genoux pour faire un câlin. Le premier câlin, ton premier câlin, c’est à moi que tu l’as offert, à moi qui vous avais choisis. Quel beau cadeau tu m’as fait, ce jour-là , notre premier jour ensemble.
Votre adoption, mon mitou, quelle belle journée ce fut. Oh, bien sûr, je n’étais pas bien gaie puisque nous venions de perdre Nénette, mais j’étais heureuse à l’idée d’offrir une belle vie à des malheureux. Pendant plusieurs jours, nous avions regardé les sites des associations et refuges dans la région. Des chats, on en a vu, et puis je t’ai vu toi. Toi, qui ne pouvais être adopté avec ta sœur. Mamie a dit qu’après tout, pourquoi par 2 au lieu d’1. Prendre un p’tit gars m’inquiétait, j’avais si souvent vu des mâles se battre. N’imaginant pas devoir renoncer à toi, j’en ai parlé à notre docteure des chats. Quelle bonne idée j’ai eue d’aller la voir ! Et je t’ai adopté, toi, celui qui me plaisait tant, l’élu de mon cœur.
De temps en temps, j’ai donné de vos nouvelles au refuge, et envoyé des photos. Un jour, on m’a répondu que tant de bonheur faisait plaisir à voir, surtout après une première adoption plutôt traumatisante. J’ai voulu en savoir plus, mais je n’ai pas eu de réponse. Peut-être vous a-t-on fait du mal, peut-être est-ce pour cela que Yang est craintive, je ne sais pas. Toi, par contre, tu t’es senti en confiance dès le premier instant. Jamais tu n’as imaginé que mamie ou moi puissions te faire du mal. Même aller chez docteure des chats ne t’inquiétait pas. Elle t’aimait beaucoup, tu sais, elle a eu de la peine que tu ne puisses pas être sauvé. Pour elle, c’est un échec. Les gens du refuge ont eu de la peine, eux aussi. Malgré le nombre d’animaux dont ils s’occupent et qu’ils ont vu passer, ils se souvenaient bien de vous deux.
Ah, mon mitou, comme la vie est injuste. Toi si beau, si gentil, si plein de vie, enfin heureux, la maladie ne t’a laissé aucune chance. Docteure des chats a dit que tu étais un chat tellement sympa que tu n’as pas voulu nous inquiéter en montrant des signes de maladie, jusqu’à ce qu’on ne puisse plus rien faire pour toi. On ne saura d’ailleurs jamais ce qui t’es arrivé, aucun des vétos qui se sont occupés de toi n’a jamais eu un pareil cas. Et moi qui craignais que tu meures écrasé, un jour où tu serais allé dans la rue sans que je sois là pour intervenir en cas de danger. J’avais même décidé de faire sécuriser le jardin, au printemps, pour que tu ne puisses plus aller chez les voisins, et de chez eux, sortir dans la rue.
Bientôt le printemps, mon mitou, les fleurs dans le jardin, tu ne seras pas là pour sentir leur odeur, toi qui aimais tant ça. Tu ne seras pas là non plus le 1er mai pour fêter l’anniversaire de votre naissance, il n’y aura que Yang pour souffler les bougies. Viendra l’été, la chaleur dont tu t’abritais sous les feuillages, à l’ombre du lilas, de notre énorme rosier dont tu aimais renifler les bourgeons, ou sous les althéas. Tu ne seras plus là non plus pour sentir l’odeur de l’herbe que je venais de tondre. Ensuite ce sera l’automne, mamie partira en vacances, je prendrai mes congés par demi-journées pour être à la maison l’après-midi, mais tu ne seras pas là pour profiter du jardin. En fait, je ne sais pas si j’aurais la force de prendre mes congés comme avant, quand tu étais là . Arrivera l’hiver, Yang ira seule chez la véto pour les rappels des vaccins. Le Père Noël, lui, n’aura qu’un cadeau dans sa hotte. Une nouvelle année commencera, avec tous ces anniversaires douloureux, le décès de ton papy et de Nénette, que tu n’as pas connus, l’anniversaire de ton décès. Il y aura aussi celui de votre adoption. Cet anniversaire-là n’est plus un jour joyeux puisque tu n’es plus là , mon chouchoumi.
Maintenant que tu n’es plus là , la présence de ta sœur me pèse. Elle est adorable, je l’aime aussi, mais elle me rappelle sans cesse les jours heureux, quand tu étais là . Elle va bien, elle n’a pas été perturbée par ton absence. Par moments, je lui en veux un peu de vivre comme si de rien n’était, de ne montrer aucun signe de tristesse, comme si tu n’avais jamais existé. J’ai peur qu’un jour arrive où je ne supporterai plus sa présence. Je n’aurais pas souhaité que ce soit elle qui disparaisse, mais j’aurais préféré que ce soit toi qui reste. J’appréhende les années à venir, je me demande comment je vais pouvoir supporter, année après année, de la voir fêter ses anniversaires, de la voir vieillir sans toi, toi qui ne vieillira pas. Tu dois penser que je suis un monstre, mon mitou, mais non, je suis seulement brisée par le chagrin. Tu avais su panser mes blessures après la mort de Nénette, et voilà qu’un poignard est entré dans mon cœur. Pourquoi toi, mon mitou, pourquoi ? Pourquoi la vie t’a-t-elle joué ce très mauvais tour ?
De toi, il ne me reste qu’une petite touffe de tes si beaux poils soyeux et une moustache, ainsi que des photos. Il me reste aussi le souvenir de toutes ces choses que tu faisais. Jean d'Ormesson a dit « Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c'est la présence des absents, dans la mémoire des vivants. ». Voilà pourquoi, toutes ces choses, je les écris au fur et à mesure qu’elles viennent à mon esprit, pour ne pas les oublier. Je veux n’oublier aucun de tous ces petits moments vécus avec toi. Je veux ne rien oublier. Quand ton souvenir s’estompera dans ma mémoire, je pourrai les lire et te revoir. « Le souvenir, c’est la présence invisible » disait Victor Hugo. Ainsi, je ne t’oublierai jamais, car tu seras toujours là , à mes côtés, où que j’aille, quoi que je fasse.
S’il existe un autre monde, un monde « après », un paradis, un fil invisible qui nous relie l’un à l’autre, alors tu sais combien tu me manques. Si tu es une étoile, brille dans le ciel pour alléger mon cœur. Je voudrais tant y croire, cela adoucirait mon chagrin. Si un jour, d’où tu es, tu ne me vois plus pleurer, ce ne sera pas parce que je ne t’aimerais plus. Le temps aura fait son œuvre, mon chagrin se sera estompé, resteront la nostalgie et un pincement au cœur en pensant à toi. La blessure aura cicatrisé mais ne s’effacera pas. Si un jour tu me vois sourire, si un jour tu m’entends rire en parlant de toi, réjouis-toi, c’est que tu vivras en moi.
Adieu, ou peut-être seulement au revoir, mon chouchoumi, la vie n’était que bonheur avec toi, toi le chat de ma vie.
Ta maman qui ne cessera jamais de t’aimer. |